CHAPITRE 2

 

 

Tobias entra par le grenier à foin, en haut.

Malheureusement, avec mes instincts d’écureuil et mon cerveau humain qui avait du mal à garder le contrôle de la situation, je n’ai pas compris que c’était Tobias.

À mes yeux, c’était un faucon à queue rousse. Un oiseau de proie. Et il n’était pas en cage ! Non, ce faucon-ci volait entre les poutres de la grange. Il avait des serres dures comme de l’acier et un bec crochu qui pouvait m’ouvrir comme une boîte de haricots.

Je sentis son regard perçant se poser sur moi.

SAUVE-TOI ! SAUVE-TOI !

SAUVE-TOI ! SAUVE-TOI ! SAUVE-TOI !

Je ne savais pas quoi faire. Je veux dire moi, l’être humain nommé Cassie, je ne savais pas quoi faire. Je savais que je devais dominer l’écureuil, mais il était tellement bouillonnant d’énergie !

Et l’écureuil, lui, savait quoi faire !

VROUM !

Je grimpai en flèche le long du mur. Mes petites griffes trouvaient prise sur de minuscules reliefs et anfractuosités du bois, et je grimpai à une vitesse folle. Si vous n’avez jamais été écureuil – et, à mon avis, vous ne l’avez jamais été – vous n’avez sans doute aucune idée de l’effet que ça fait de courir à la verticale. Le mur de bois était comme un plancher sous mes pattes mais, en même temps, j’avais conscience de la différence entre le haut et le bas. Je savais que si je tombais, je me retrouverais en bas ! C’était comme de courir sur le plancher de sa maison mais dans ce cas-là, quand on trébuche, on retombe contre le mur.

Très bizarre.

Tobias s’était posé sur une poutre. Je sentais néanmoins son regard sur moi. Je me figeai, complètement. Pas même un frémissement de la queue. Agrippé au mur, j’étais parfaitement immobile.

Mais je ne pus tenir. L’énergie de l’écureuil qui bouillonnait en moi m’empêchait de rester longtemps immobile.

Tout à coup, après avoir jeté un coup d’œil rapide sur le côté, je me suis lancé dans le vide. J’ai volé. En fait, j’ai tout simplement bondi, un bond d’au moins un kilomètre, en fait de trois mètres seulement.

VLOUM ! Je me suis posé sur la poutre en bois qui est au-dessus des stalles des chevaux.

Mauvaise initiative. Tobias m’avait vu bouger. Du coin de l’œil, je l’aperçus qui déployait ses grandes ailes. Il piqua, serres tendues vers l’avant.

Mais à ce moment-là… je perçus un nouveau mouvement. Quelque chose de grand mais de furtif. Une planche, sur le côté de la grange, qui bouge. Un museau qui apparaît. Juste en dessous de moi. Une tête à l’expression intelligente et vive, qui se tourne vers moi en se demandant si je vais lui servir de dîner.

Un renard ! Ha ha ! Mon mystérieux tueur d’oiseaux.

Il fallait que je domine le cerveau de l’écureuil. Ça prend toujours au moins une minute, dans une nouvelle animorphe, pour dominer les instincts de l’animal sauvage, mais là je ne l’avais pas, cette minute.

Tobias piqua.

Soudain, ce fut l’affolement général. Dans toutes les cages, les oiseaux se mirent à crier. Dans la pièce voisine, les loups jugèrent bon de se mettre à hurler. Les chevaux hennissaient dans les aigus.

Tobias, surpris, fit demi-tour.

Trop tard. J’avais de nouveau sauté, et je tombais maintenant vers le sol couvert de paille d’une des stalles. Je tombais vers le renard.

J’avais à peine touché le sol que je détalai, dans un nuage de paille et de poussière.

Le renard s’élança à mes trousses. Il était rapide, très rapide.

< Tobias ! Au secours ! > criai-je mentalement.

< Mais qu’est-ce qui… Cassie, c’est toi ? >

Je fis un bond sur la gauche. Le renard aussi. Il était plus rapide que moi, et presque aussi agile. Si je ne trouvais pas un endroit où grimper, j’étais perdu !

< Oui, c’est moi ! >

< Mais enfin pourquoi tu ne me l’as pas dit ? me demanda Tobias d’une voix qui résonna comme un reproche dans ma tête. J’ai failli te dévorer. >

< Je viens juste de morphoser et de prendre contrôle de ce cerveau fou d’écureuil. Maintenant s’il te plaît, veux-tu bien me sauver ? >

Les mâchoires du renard cherchèrent à mordre ma queue. Je sentis ses dents peigner ma fourrure.

< Bon sang ! > s’exclama Tobias.

Il ouvrit les ailes et plongea vers le sol, droit sur le renard. Quand il aperçut l’ombre du grand faucon, il se figea sur place.

Trop tard. Tobias lui racla le dos avec ses griffes et continua son vol. Le renard estima que tout ça était bien trop risqué, et il fila vers son passage secret. Tobias se posa sur une poutre et me dévisagea de son regard perçant de faucon.

< Cassie ? Qu’est-ce que tu fais ici à minuit changée en écureuil ? >

Je commençai déjà à remorphoser en humain.

< Eh bien, ces derniers jours, des oiseaux ont disparu. Nous avons bien pensé qu’il s’agissait d’un blaireau, d’un raton laveur ou d’un renard, mais nous ne sommes pas arrivés à trouver comment il entrait. Alors j’ai décidé de morphoser et d’attendre qu’il se montre. >

< Bon, je ne peux pas critiquer quelqu’un qui veut sauver des oiseaux >, dit Tobias.

Il ouvrit les ailes et se mit à lisser quelques plumes ébouriffées.

J’avais en partie repris forme humaine et je m’élevais alors que mes jambes poussaient en dessous de moi. Mais je n’avais pas encore ma bouche humaine.

< Et toi, qu’est-ce que tu fais là, Tobias ? Tu cherches un sandwich à l’écureuil ? >

Tobias s’était maintenant fait à l’idée qu’il était désormais prisonnier dans le corps d’un faucon à queue rousse. Récemment, il avait commencé à chasser et à manger comme un rapace. Il était toujours un peu susceptible à ce sujet, mais je me suis dit que si je lui en parlais sur le ton de la plaisanterie, il se rendrait compte que je n’étais pas dégoûtée ou choquée.

< Sandwich à l’écureuil ? dit-il. Non, j’avais plutôt envie de brochettes. Désolé de t’avoir fait peur. >

— Pas grave, dis-je de ma vraie voix.

Ma bouche s’était reformée. J’étais presque redevenue normale, à part cette énorme queue en panache que j’avais toujours dans le dos.

Normale, pour moi, ça veut dire de taille moyenne. Si tant est que « moyenne » signifie quelque chose. Je suis plutôt bien proportionnée, ni maigre ni grosse, avec des cheveux que je porte courts car je n’aime pas m’en occuper. Comme vous le diraient mes amis, je ne suis pas à proprement parler Miss Mode. En fait, si vous voulez savoir à quoi je ressemble, imaginez une fille en salopette et gants de travail en cuir, qui se mord la lèvre en se concentrant pour essayer de faire avaler un cachet à un blaireau.

Jake a pris une photo de moi en train de faire ça, précisément. Il l’a mise dans sa chambre, à côté de son ordinateur. Ne me demandez pas pourquoi. Je serais ravie de lui donner une photo de moi en robe, ou quelque chose de ce genre. Rachel pourrait m’en prêter une. Mais Jake dit que la photo lui plaît.

< J’entends quelque chose >, dit Tobias, brusquement sur ses gardes.

Je tendis l’oreille. L’ouïe n’est pas très développée chez l’homme ; presque n’importe quel animal entend mieux que nous. Mais je l’entendis moi aussi : une voix.

— Il y a quelqu’un ?

— Mon père !

< Tu as encore ta queue ! >

Trop tard. La porte de la grange s’ouvrit. Mon père apparut sur le seuil une torche à la main, ensommeillé et clignant les yeux.

— Cassie ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Je mis les mains dans mon dos et m’efforçai de rabattre ma grande queue d’écureuil, tout en essayant de la démorphoser le plus vite possible.

— R… r… r… ien, p’pa. Je… j’arrivais pas à dormir, c’est tout.

Il hocha la tête.

— Bon, grogna-t-il. Va te coucher, maintenant.

Mon père fait partie de ces gens qui ont besoin d’une heure et de trois tasses de café pour se réveiller.

— D’accord, papa.

Il eut un moment d’hésitation.

— Cassie ? Tourne-toi.

— Que je me tourne ? demandai-je tout bas.

— Oui, tourne-toi. C’est… tourne-toi, juste.

Je me tournai lentement. Pendant que je pivotais, le reste de ma queue remonta dans ma colonne vertébrale.

— Euh, fit mon père, il faut que je retourne me coucher. J’aurais juré que tu avais une queue.

— Hé, hé ! fis-je faiblement.

Une fois papa parti, je m’effondrai dans la paille.

— J’aurais vraiment dû rester au lit, dis-je à Tobias. Rêves ou pas rêves.

< Rêves ? Quel genre de rêves ? > me demanda-t-il d’un ton brusque.

J’eus un haussement d’épaules.

— Je ne sais pas. Des rêves de mer, un peu bizarres.

< La mer, répéta-t-il. Et une voix qui t’appelle venue des profondeurs. >

Il faisait chaud dans la grange, mais soudain j’eus très froid.

Le Message
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